« Antichrist » de Lars von Trier

Ce film est un diamant noir : « noir » par son esthétisme sombre et violent et « diamant » de par la rareté des films évoquant des questions aussi fondamentales. Je parle ici de questionnements réels provoqués par les messages véhiculés par le film et non par les incohérences apparentes d’un scénario « puzzle » cherchant volontairement à brouiller les pistes.

Antichrist (Charlotte Gainsbourg)

Durant une grande partie du film la trame est celle que l’on a déjà rencontrée dans les autres réalisations de Lars von Trier, notamment dans l’excellent « Dogville » ou encore dans « Manderlay », c’est-à-dire une philosophie pessimiste (le réalisateur est après tout un compatriote de Kierkegaard) mettant en scène des « héros bienveillants » qui expérimentent douloureusement les limites de leur pouvoir sur leurs semblables.

Dans « Antichrist », le cycle est le même, l’amant/thérapeute arrive à dépasser une première série d’épreuves pour libérer son amante/patiente de son deuil « atypique » et de ses angoisses, mais au moment où il semble toucher à son but, c’est l’inévitable catastrophe, le « bienfaiteur » se sentant au final obligé de détruire ce qu’il croit être sa créature (sinon son « objet »), qui s’est retournée contre lui.

« On ne libère pas les individus d’eux-mêmes ! ». Voilà un message qui n’est pas fait pour plaire aux occidentaux toujours prêts à jouer au marchand de bonheur et qui peut expliquer l’impopularité des films de Lars von Trier parmi nos chères critiques de cinéma.

Et une réplique telle que « Freud est mort ! » ne pouvait que les fâcher encore plus, tant la psychanalyse est aujourd’hui le dogme sacré, qu’on ne peut remettre en cause sans passer pour hérétique.

Après tout, ce sont bien ces mêmes critiques qui avaient trouvé le moyen de polémiquer sur le prétendu racisme de « Manderlay ». Inutile d’enfoncer le clou…

Pour en revenir à Antichrist, j’ai trouvé que ce film, tout en gardant la trame évoquée plus haut, a une portée qui dépasse manifestement ces prédécesseurs.

La dernière partie du film évoque de nombreux concepts : érotisme, chaos, rapport entre féminité et maternité, nature extérieure et intérieure… mais dans une ambiance frénétique qui fait qu’il est difficile de percevoir de prime abord la cohérence de tout ce qui est ainsi manifesté.

Je reste donc avec le sentiment d’être passé à côté d’une partie du message, non pas parce qu’il n’existe pas comme certains l’ont dit (quelle vanité !), mais parce qu’il est difficile de tout intégrer lors d’un premier visionnement du film tant il est dense. C’est le genre de film qu’il est bon de regarder plusieurs fois, de la même manière que l’on peut avoir besoin de relire un texte ardu pour en comprendre toute la portée.

Antichrist se démarque aussi des précédentes réalisations de Lars von Trier par son esthétisme plus poussé et très sombre que pour ma part j’ai trouvé excellent.

Le réalisateur a eu raison de faire une entorse à sa sobriété habituelle, car cela apporte un vrai plus au film, de la même manière que certaines scènes très crues collent en fait assez bien au discours porté par le film. Elles ne sont pas forcément en trop et je doute que des spectateurs puissent simplement se complaire ici dans un simple voyeurisme sans percevoir autre chose.

Au final, si ce film demande un certain effort au spectateur et peut choquer par certaines de ses scènes, il a tout pour faire partie des films dont on se souvient longtemps, loin de toute la production culturelle « fast food », au succès éphémère.

Je m’étonne juste que ce genre de films soit distribuer aussi largement en salles, même si je ne peux que m’en réjouir !

Page Wikipédia du film : https://fr.wikipedia.org/wiki/Antichrist_(film)

La bande annonce sous-titrée en français : https://yewtu.be/watch?v=v3ntlJs_JTg