Dégooglisons internet, qu'ils disaient !

Il y a quelques années, l'association framasoft a lancé son initiative "Dégooglisons internet !", Google servant de symbole aux services centralisés et commerciaux dont l'usage s'est généralisé, souvent sous forme de (quasi) monopoles. Dans cet article je reviens sur notre dépendance à Google à proprement parler, que nous soyons simples internautes ou encore propriétaires d'un site internet.

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Toutes et tous, Google dépendant.e.s ?

En France comme dans un grand nombre de pays, plus de 90 % des recherches web sont effectuées via Google et cela monte même à 98 % si on ne prend en compte que les recherches sur mobile ! Par ailleurs, la majorité des internautes ne vont pas au-delà de la première page de résultats, ni même souvent du tout premier résultat, cette tendance étant de nouveau renforcée sur mobile, la navigation d'une page à l'autre y étant souvent moins aisée.

Google est donc devenu un "choix naturel" qui n'est pas sans conséquences, puisque lui donnant beaucoup de pouvoir sur les informations que nous lisons, les achats que nous faisons, etc.

Par exemple, lorsqu'un.e internaute lance une recherche concernant les O.G.M., on comprend bien que l'information trouvée ne sera pas la même si le premier résultat pointe vers la page d'un site affilié à Bayer-Monsanto ou celle d'un site édité par une association telle qu'Inf'OGM.

Pour avoir une idée de la façon dont Google choisit les pages proposées suite à vos recherches, vous pouvez lire mon précédent article expliquant ce qu'est un "bon" contenu selon Google.

Une autre conséquence est que si nous éditons un site internet, nous sommes très dépendant.e.s de la façon dont Google classe nos pages dans ses résultats.
Ne pas être visible sur Google nous coupe d'une bonne partie des visiteurs qui pourraient découvrir notre site et donc notre activité.

Pour nos recherches, une vraie alternative à Google ?

Quand bien même des moteurs de recherche alternatifs tels que Qwant ou DuckDuckGo venaient à prendre une part de marché significative, nous passerions d'un quasi-monopole à un oligopole.

Cela serait sans doute un moindre mal, mais ne solutionnerait pas tout, surtout que la majorité de ces moteurs de recherche "alternatifs" utilise à des degrés divers les ressources des principaux moteurs (Google, Bing, Yahoo...) pour fournir leurs résultats.

C'est par exemple le cas des moteurs de recherche comme Lilo et Ecosia (qui se souvient de VeoSearch ? :-)) qui communiquent sur leur fonctionnement éthique. Une partie de leurs revenus publicitaires sert effectivement à soutenir certaines causes, mais ils ne contribuent pas à diminuer notre dépendance aux GAFAMs, puisque eux-mêmes en sont totalement dépendants. Par ailleurs, leurs revenus provenant des publicités affichées lors des recherches, si les personnes les utilisant ne cliquaient jamais sur ces publicités, il n'y aurait pas de revenus à distribuer. Donc si vous utilisez un bloqueur de publicités, désactivez-le lorsque vous êtes sur ces sites, sinon cela ne sert pas à grand-chose d'y aller...

Concernant le cas de Qwant, il semble que les choses évoluent, que cela soit concernant son indépendance de fonctionnement et peut-être même sa part de marché ? Mais cela reste matière à discussion chez les propriétaires de site.

La raison de ce manque d'alternatives est qu'il faut énormément de ressources (stockage, puissance de calcul, ingénierie) pour faire fonctionner un moteur de recherche. Google utilise plusieurs millions de serveurs. Difficile à installer dans votre garage ! :-)

Et quel que soit le moteur de recherche que nous utilisons, nous sommes dépendant.e.s d'algorithmes de classement que nous ne pouvons étudier et encore moins modifier, quand bien même ils seraient basés sur du logiciel libre, car il resterait possible que la version utilisée soit différente. Nous touchons aux limites du logiciel libre lorsque nous en sommes simples utilisateurs.

La seule alternative serait un moteur de recherches libre et décentralisé tel que YaCy. Pour l'instant, selon mon expérience, ses résultats laissent à désirer. Mais il a le mérite d'exister. Il suffit peut-être que le nombre de ses utilisateurs (et soutiens financiers) augmente pour devenir une alternative sérieuse ?

La solution : changer nos habitudes ?

Qui cherche trouve ?

En tant qu'internaute, si l'on souhaite vraiment diminuer le pouvoir de Google, la meilleure solution consiste sans doute à diminuer notre utilisation des moteurs de recherche d'une manière générale. Vous continuerez à faire des recherches sur internet mais (ré)apprendrez aussi à faire sans et donc à en être moins dépendant.e.

Cela peut passer par l'utilisation des bons vieux marque-pages (encore nommés "favoris") de votre navigateur internet.
Si vous êtes sur une page internet qui peut vous être de nouveau utile dans l'avenir, enregistrez-la avec les bons mots clés dans les marque-pages de votre navigateur, plutôt que de repasser par Google pour la retrouver par la suite (parfois sans succès !).
C'était un réflexe qu'avaient les internautes par le passé mais j'ai l'impression que cette bonne habitude s'est un peu perdue ?
Pour information, il est possible de synchroniser vos marque-pages Firefox entre vos différents appareils.

De même si vous pensez que la réponse à votre recherche a de fortes chances de se trouver sur Wikipédia ou dans un quelconque autre site, rendez-ici vous directement et utilisez le moteur de recherche interne de ce site quand il existe.

Lorsque vous vous posez une question, plutôt que de vous dire que "Google est votre ami", pourquoi ne pas poser la question à vos vrai.e.s ami.e.s ou plus généralement à la communauté internet ? Ce ne sont pas les outils qui manquent (messageries instantanées, forums, liste de discussions, etc.).
La réponse sera sans doute moins immédiate, mais avec un peu de chance vous obtiendrez plusieurs réponses différentes qui se compléteront. Et avec beaucoup de chances, elles seront même argumentées :-)

Et puis, sobriété numérique oblige, vous pouvez commencer par questionner l'importance de votre recherche et les éventuelles solutions hors ligne vous permettant de la satisfaire.

L'alphabet selon Google

Si au départ Google se limitait à un moteur de recherche couplé à une régie publicitaire, au fil de ses développements et acquisitions, on le retrouve dans de nombreux autres services en ligne et logiciels. Pour les plus connus et utilisés : Youtube, Gmail, Google Maps, Chrome, Android... le tout géré par la société nommée Alphabet.

Pour essayer de contrer cette hégémonie, vous pouvez de nouveau veiller à limiter et même éviter l'utilisation de certains de ces sites et logiciels.

Concernant Youtube et plus généralement la vidéo, il faut savoir qu'en 2015 le visionnage de vidéo en ligne a représenté 63 % du trafic web mondial et constitue donc une grande partie de la consommation d'énergie induite. Si vous souhaitez tout de même regarder une vidéo en ligne, peut-être ne la trouverez-vous que sur Youtube. C'est souvent le cas pour les vidéos partagées sur internet.
Par contre, si vous-mêmes vous souhaitez partager une vidéo, sachez qu'il existe d'autres solutions. Ne serait-ce qu'en l'hébergeant directement sur votre site web si vous en avez un ou encore en utilisant l'un des serveurs du projet PeerTube lancé par Framasoft.

Pour Gmail, là ce n'est pas les solutions alternatives qui manquent donc aucune raison de l'utiliser, si ce n'est pour faire comme tout le monde :-) C'est un sujet important, notamment en terme de vie privée. J'y reviendrai sans doute dans un autre article.

Pour Google Maps, suivant vos besoins vous pouvez utiliser directement les cartes libres de droit OpenStreetMap (OSM) ou encore des applications les utilisant, comme OsmAnd pour calculer vos itinéraires sur votre mobile.

Concernant les ordiphones (alias "smartphones"), si vous voulez éviter Android, sachez que certains modèles permettent d'installer une version d’Android dans laquelle les services Google ne sont pas pré-installés. C'est notamment le cas du Fairphone. La contre-partie est que vous ne retrouverez pas toutes les applications proposées dans la version classique d'Android. Quand je parle de dépendance...

Enfin, Mozilla Firefox est une très bonne alternative à Chrome. Ses dernières versions sont très rapides et de nombreuses extensions permettent de l'adapter à vos besoins. Si vous voulez garder une expérience plus proche de Chrome, regardez du côté de Chromium.

Diversifier ses sources de visiteurs

En tant que propriétaire d'un site internet, la bonne nouvelle est que si votre site fournit un contenu de qualité et intéressant les internautes, vous avez de bonnes chances de recevoir des visiteurs venant de Google sans avoir rien à faire.

Cela devrait même être le fonctionnement normal d'un moteur de recherche, mais les enjeux économiques sont tels que de nombreuses techniques ont été développées pour augmenter le nombre de visiteurs venant de Google. On parle de référencement naturel, qui est une forme de hacking, puisqu'il s'agit d'exploiter à son avantage les failles de l'algorithme de classement de Google.

Ceci dit, il est surtout important de veiller à diversifier les sources de visiteurs de votre site internet.

Au-delà des moteurs de recherche, les visites de votre site peuvent venir :

  • d'internautes (re)venant directement sur votre site (marque-pages, lien partagé par email...).
  • d'autres sites faisant un lien vers le vôtre, parmi lesquels on peut encore distinguer le cas des médias sociaux.

En parlant de médias sociaux, il faut faire attention à ne pas troquer Google pour un autre GAFAMs en en devenant de nouveau dépendant.e.

Je constate que certaines associations et même entreprises n'ont plus de site internet mais communiquent uniquement via une page Facebook.
Il faut savoir que Facebook, Twitter & co modifient régulièrement leur fonctionnement et que vos publications ne sont visibles que par une partie de "vos" abonné.e.s... et que la majorité de ces publications ne sont pas référencées par Google.
Par ailleurs, la roue tourne et ce genre de plateformes peuvent voir leur popularité évoluer. Par exemple, aux États-Unis, 44 % des 18-29 ans disent avoir supprimé l’application Facebook de leur téléphone courant 2017. À une époque, tous les artistes se devaient d'être sur MySpace, aujourd'hui cela serait plutôt Instagram ou Youtube. Et demain ?

Google, Facebook & co peuvent être des sources de visiteurs intéressantes mais l'idée générale est de ne pas trop en dépendre et de savoir fidéliser les personnes intéressées par votre activité, sans avoir besoin de passer par leurs services.

Vous pouvez par exemple proposer à vos visiteurs de s'abonner à une newsletter pour les informer de vos nouveautés. Contrairement à vos abonné.e.s sur les médias sociaux, ce fichier d'abonné.e.s par e-mail n'appartiendra pas à une société tierce.

Même si (malheureusement) leur usage de raréfie, pensez à mettre à disposition des internautes des flux de syndication (RSS ou Atom) leur permettant d'être alerté.e.s lorsque vous publiez un nouvel article. C'est fait pour ça et cela ne "mange pas de pain" puisque c'est automatique. De plus, la majorité des logiciels de création de site (CMS) permettent de les mettre en place facilement.

Dans certains cas, la création d'une application pour smartphones peut aussi être intéressante. Sachez que des technologies permettent de transformer votre site en application mobile. C'est ce que l'on nomme une "Progressive Web App" (PWA) ou "applications web progressives" en français.

 

Crédit illustration article : Péhä.