Pierre Thomas « La clé des singes »

Si comme moi vous habitez en Bretagne Sud (ou que vous avez visité la région), le nom de Pierre Thomas ne vous est sans doute pas étranger, étant donné qu’il s’agit du créateur d’un des principaux zoos du secteur, situé sur la ville de Pont-Scorff. En tout cas, c’est seulement de cette manière que je le connaissais avant de m’attaquer à la lecture de ce livre.

Pierre Thomas : La clé des singes

Comme indiqué dans la quatrième de couverture, Pierre Thomas a en effet été dompteur, directeur de cirque, puis créateur du zoo de Pont-Scorff et à ma connaissance le présent ouvrage est le seul publié par cet auteur.

On a donc ici à faire à un auteur amateur, mais dans le sens noble du terme, puisque la qualité est au rendez-vous.

Roman de SF, avec un nom comme « La clé des singes », on pourrait redouter une pâle réplique de « La planète des singes » de Pierre Boule, mais il n’en est rien.
S’il y a un bien un lien de par le thème de primates parvenant à une intelligence humaine, la thématique est abordée sous un angle bien différent.

Le roman vous conte les mésaventures d’une poignée de scientifiques américains travaillant sur l’apprentissage du langage par des primates, accompagnés d’un journaliste français venu faire un papier sur le sujet.

Ces protagonistes seront amenés à effectuer un petit voyage inter-stellaire quelque peu imprévu… et leur réservant de nombreuses surprises.

L’auteur se fait manifestement plaisir en intégrant dans ce roman résolument de science-fiction un passage plus proche du roman médiéval où on peut notamment côtoyer Bertrand du Guesclin.

Il a bien raison car rien de tel pour faire aussi plaisir à ses lecteurs, d’autant que le reste du roman est à la hauteur de ce que l’on peut attendre d’un bon roman SF :

  • Réflexion très intéressante sur l’apprentissage du langage avec un parallèle avec le péché originel biblique, qu’on peut facilement extrapoler dans d’autres domaines tels que la robotique et l’intelligence artificielle ;
  • Récit de fiction certes, mais qui tient la route scientifiquement ce qui n’est pas évident lorsqu’il s’agit d’aborder des problèmes tels que le moyen de se déplacer à des vitesses proches de la lumière. L’auteur cite d’ailleurs ses sources en fin d’ouvrage, ce qui prouve qu’il a pris la peine de se documenter avant de s’avancer sur ce terrain.

Bref, un bon roman, assez court (moins de 200 pages), qui mérite d’être plus connu qu’il ne l’est sans doute. Il faut dire qu’il ne doit pas être très facile à trouver, ayant été publié par un éditeur local (Éditions Du Scorff) mais cela ne doit pas non plus être mission impossible, surtout à l’heure d’internet !

En attendant, en voici un court extrait :

« Bertrand, à nouveau, hésita quelques secondes.

– Ne croyez pas que ce soit de la mauvaise volonté de ma part, ni je ne sais quel goût du secret. Simplement, ça risque d’être un peu long à expliquer. Je veux bien vous dire au moins de quoi il s’agit, puisque vous insistez, mais je vous préviens, ça va encore augmenter votre curiosité…
– Ça ne fait rien, dites toujours !
– Bon, c’est comme vous voulez. Avez-vous lu la Bible ?
– Hein ? Heu… Pas d’un bout à l’autre, je l’avoue…
– Vous connaissez au moins la Genèse, l’histoire d’Adam et Ève, et du Paradis Terrestre ?
– Oui, bien sûr !
– Vous connaissez aussi l’histoire du péché originel et vous savez les conséquences qu’il a eues pour toute l’humanité ?
– Oui, mais…
– Eh bien, sous la conduite de vos amis, quelques chimpanzés s’apprêtent à commettre eux aussi le « péché originel » !
– Vous voulez rire !
– Jean-Pierre, est-ce que j’en ai l’air ?
– Non, bien sûr. Mais vous avez raison : je crois que j’ai eu mon compte d’étonnements et de surprises pour aujourd’hui. Il est grand temps que j’aille me coucher.

Jean-Pierre regarda alors son ancêtre, lui tendit la main avec un large sourire et lui lança :

– Allez, bonsoir grand-père.

Bertrand sourit à son tour et lui serra la main.

– Bonne nuit, mon petit.

Jean-Pierre regagna sa chambre, toute proche de celle de Bertrand. Il se coucha immédiatement mais fut long à trouver le sommeil, un sommeil troublé de nombreux rêves où chimpanzés, extra-terrestres et chevaliers du Moyen Âge se livraient des combats sans merci. »