Bernard Lenteric « La guerre des cerveaux »

J’ai déjà parlé de Bernard Lenteric sur ce blog, notamment pour dire tout le bien que j’ai pensé de sa trilogie Les enfants de Salonique. Dans ce roman plus court, j’ai retrouvé les éléments habituels à cet auteur : anticipation proche du fantastique, sociétés secrètes, rythme haletant…

Bernard LENTERIC : La guerre des cerveaux (Le Livre de poche)

Pour la petite histoire, le hasard a voulu qu’au moment même où je lisais ce livre, est apparu dans la presse une actualité scientifique parlant précisément du sujet du roman puisque révélant qu’une équipe de scientifiques a réussi à « décoder des souvenirs mémorisés dans le cerveau » .

Évidemment, là ou derrière ce titre accrocheur, la vraie innovation scientifique reste plus modeste, Bernard Lenteric part lui du principe que son équipe de scientifiques est parvenue non seulement à lire les pensées mais même à récupérer l’ensemble du contenu d’un esprit humain dans une machine.
On peut ensuite « discuter » via cette machine avec les personnes dont l’esprit a été « aspiré ». Les cerveaux des plus grands savants sont ainsi conservés en l’état « pour le bien de l’humanité ».

J’ai lu ce roman de Bernard Lenteric avec le même plaisir que les précédents. Son style est accessible et efficace.

Certains reprocheront justement le côté « facile » de ce genre de littérature, demandant peu au lecteur et au final très peu aussi à l’auteur qui se contente d’utiliser des ficelles bien connues. C’est ce que l’on nomme péjorativement un « roman de gare » (le fait est d’ailleurs que je l’ai majoritairement lu dans le train lors d’un déplacement !).

Si cette remarque est en partie justifiée, n’oublions pas que des œuvres maintenant devenues des classiques ont essuyé les mêmes critiques à leur sortie. Je pense par exemple aux diverses aventures de Sherlock Holmes de Sir Arthur Conan Doyle.

À notre époque, on peut aussi penser à l’œuvre de Stephen King dont j’avoue m’être abreuvé dans mes plus jeunes années, et qu’il décrit lui-même comme l’équivalent du « fast food » en matière de littérature ! Dans son cas, c’est aussi en partie vrai, même si certains de ses romans sortent vraiment du lot (souvent d’ailleurs publiés sous son pseudo Richard Bachman) : « Running Man », « Marche ou crève », « Le Bazar de l’épouvante »…

Bref, il est clair que nous ne pouvons pas mettre toute la littérature au même niveau et sans doute de nombreuses œuvres qui font grand bruit aujourd’hui finiront par sombrer dans l’oubli, quand d’autres ne se révèleront qu’avec les années. Il en va de même pour le cinéma, la musique et bien d’autres domaines… certaines œuvres nous transportent, nous ouvrent les yeux sur des réalités nouvelles… et d’autres se contentent de nous divertir, mais si c’est bien fait, c’est déjà ça !

Extrait

« … Parvenu à ce stade, Arnold Wellman jugea qu’il avait établi les principaux éléments de son équation. Il prit une chaise et s’installa en face du tableau, décidé à se laisser aller à cette faculté propre aux enfants et aux grands créateurs : la perception syncrétique. Son bout de craie entre les doigts, les yeux à demi fermés, il s’appliqua à effacer de son esprit toute trace de raisonnement logique jusqu’à parvenir à cet état de demi-conscience où la vision analytique s’estompe au profit d’une imprécise rêverie. Les minutes passèrent, tandis qu’au-dehors la tempête redoublait encore de violence. Arnold Wellman oublia son tableau noir, il se laissa emporter par la fureur tourbillonnante de la tempête, il survola le parc et ses arbres agités par le vent, il survola l’océan et son écume, perçut le choc cinglant des lames contre les récifs de Gay Head, il s’endormit peut-être, rêva probablement, mais resta droit sur sa chaise, sans bouger. »