Roger MacBride Allen – La trilogie de Caliban d’Isaac Asimov

Imaginez un monde où les humains se sont laissé complètement déposséder de toute activité laborieuse parce qu’entourés par une nuée de robots-serviteurs (~ une centaine par personne !) affairés à exécuter la moindre tâche un peu ennuyeuse ou fatigante mais aussi à protéger leurs « maîtres » de tout risque, même quand il est recherché…

Couverture du Tome 1 de « La trilogie de Caliban d’Isaac Asimov », éditions « J’ai lu »

C’est la vie « paradisiaque » des « spatiaux » et plus particulièrement de ceux vivant sur la bien nommée planète « Inferno » qui constitue le lieu où se déroule cette trilogie.

Nos « spatiaux » ne sont par exemple plus aptes à s’habiller eux-mêmes (ils ne savent même pas où se trouvent leurs vêtements !), ne pratiquent aucune activité à risque (ne serait-ce que conduire !), n’ont pour le plus grand nombre aucune activité professionnelle et sont donc condamnés à une oisiveté des plus radicales.
Pour éviter tout désagrément, certains finissent aussi par éviter toute vie sociale quand cela ne va pas encore plus loin…

Mais les « spatiaux » ne forment qu’une partie de l’humanité originelle, l’autre étant constituée des « Colons ».

Initialement réfractaire à la robotique, ces derniers ont par contre fini par dépasser les premiers dans tous les autres domaines technologiques et par coloniser un plus grand nombre de planète après les avoir « terraformées » pour s’y établir.

Cet affaiblissement des spatiaux ainsi que leur mode de vie ont contribué à détériorer l’environnement de leur planète au risque de la voir disparaître sans être capable de réagir.

Exceptionnellement un groupe de colons est donc présent sur Inferno pour les aider à sauver ce qui est encore possible. Ce rôle de « sauveurs » ne diminue pas, loin de là, les tensions habituelles entre ses deux peuples devenus si étrangers l’un à l’autre, malgré leur origine commune.

Dans ce contexte pour le moins houleux chacun des trois romans nous amène dans des récits mêlant habillement science-fiction forcément mais aussi enquête policière et stratégie politique.

Je viens à peine d’entamer le troisième tome, mais je peux déjà dire qu’il est tout à fait possible de lire chaque tome séparément, sans risque d’incompréhension.

Et si le nom de la trilogie fait référence à Isaac Asimov, c’est sans aucun doute qu’il s’intègre dans les grands cycles dont ce grand nom de la SF est l’auteur.
Mais le fait de ne pas avoir au préalable lu les romans d’Asimov ne pose pas non plus de problème. Je peux en témoigner, puisque c’est mon cas !
Cela m’a par contre donné envie de m’intéresser de plus près à cet illustre auteur…

Mon opinion après avoir lu les 2 premiers tomes me pousse donc à vous encourager à leur lecture qui est à la fois aisée, pleine de suspense et de rebondissements avec une véritable réflexion sur l’interdépendance entre les humains et de leurs machines, réflexion d’ailleurs de qualité, puisqu’éloignée de tout manichéisme.

Le premier tome « Le Robot Caliban » semble avoir inspiré Alex Proyas pour son film I, Robot.

Voici d’ailleurs quelques morceaux choisis, extraits de ce premier tome, avec pour commencer les fameuses Trois Lois qui ont tant d’importance dans ces romans (traduction Jean-Pierre Pugi):

« Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger.
Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la première loi.
Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’est pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi. » (Les trois lois)
« Il commençait à comprendre qu’il vivait sur un monde où le vrai labeur, ce qui servait à quelque chose, était considéré comme une activité honteuse, un vice qu’il convenait de cacher. Les humains le méprisaient. Ils ne tenaient pas à voir cela, et encore moins à le faire. Quel sens donnaient-ils à leur vie, s’ils se savaient inutiles, réduits à un statut de faux bourdons dans une ruche ? Comment pouvaient-ils vivre ainsi ? S’ils laissaient les robots effectuer toutes leurs tâches, ils devaient sûrement – en tant qu’individus et que peuple – avoir perdu la capacité de les exécuter eux-mêmes. Non, c’était impossible. Ils n’avaient pu sans réagir devenir impuissants, vulnérables, totalement dépendants de leurs esclaves. »
« -Vous me parlez d’un bouleversement important, docteur Leving, et les transformations radicales ne peuvent se produire sans heurts. Je me compare parfois à un médecin au chevet d’un patient dont l’état est critique. Le seul médicament dont je dispose s’appelle le changement. Si je lui en administre une dose trop forte, ou au mauvais moment, ça lui sera fatal. Mais si je ne prescris pas ce remède, sa mort sera inéluctable. Je me suis fréquemment demandé si les Spatiaux n’estimeront pas en fin de compte que c’est une pilule trop amère à avaler, s’ils ne trouveront pas plus simple et moins désagréable d’interrompre le traitement et de se laisser mourir. Qu’en pensez-vous ? »

Voici aussi un extrait du troisième tome « Utopia » qui ne manquera pas de parler aux technophiles avertis en notre époque du développement du « clouding » :

Il ne se demandait naturellement pas où étaient stockés ses fichiers. Il n’avait jamais accordé une seule pensée au fait qu’ils avaient nécessairement un emplacement matériel, qu’ils occupaient des adresses dans des mémoires situées quelque part. Non, il lui suffisait de savoir qu’ils étaient à sa disposition dans le réseau qui s’étendait dans toute la ville et au-delà, jusqu’aux avant-postes de la civilisation. Il pouvait y accéder de n’importe quel endroit, à n’importe quel instant.
Il ne songeait pas à ces choses, pas plus qu’il ne se serait interrogé sur l’origine de l’air qu’il respirait ou les principes selon lesquels ses robots domestiques détermineraient que le moment était venu de lui servir un repas.
Lentrall s’assit devant le pupitre de son bureau et ouvrit les fichiers qu’il avait constitués sur la comète de Grieg. Ou tout au moins tenta-t-il de les ouvrir.
Et ce fut pour lui comme si l’air s’était brusquement raréfié.