À la découverte de Wikipédia, avec Rémi Mathis

Mon commentaire suite à la lecture de l’essai « Wikipédia Dans les coulisses de la plus grande encyclopédie du monde », publié par Rémi Mathis chez First Éditions.

Rémi Mathis : Wikipédia (éditions First)

Comme le dit l’auteur de cet essai, Wikipédia fait aujourd’hui office d’OVNI en étant un des sites les plus vus en France comme dans le monde, tout en ne contenant aucune publicité, aucun script vous espionnant et en étant rédigé à 100 % par des bénévoles. On ne peut retrouver des situations similaires que pour certains logiciels libres très populaires, comme le lecteur multimédia VLC. Rien d’étonnant, car dans les deux cas, nous retrouvons l’esprit libriste.

Cependant, si Wikipédia est modifiable par tous, sans doute peu d’entre vous y ont déjà contribué, ne serait-ce que pour corriger une faute d’orthographe. Cela parce que vous n’êtes pas au courant que vous pouvez le faire, que vous ne savez comment vous y prendre, ou encore que vous avez d’autres passe-temps…

La lecture de cet essai de Rémi Mathis pourra vous donner envie de vous y mettre. En tout cas, vous connaîtrez son histoire, son fonctionnement interne et l’état esprit général qui y règne. C’est qu’ayant été président de Wikimédia France pendant 4 années, on peut dire que l’auteur connaît son sujet !

Au-delà de Wikipédia, vous trouverez abordés des sujets plus généraux tels que les joies et difficultés des communautés de bénévoles, le respect des droits d’auteur et de l’anonymat en ligne, etc.

Bref, une bonne lecture pour découvrir ou approfondir votre connaissance de Wikipédia.
Vous pourrez le commander chez votre libraire préféré.

En voici quelques extraits

Les tâches sont donc multiples et personne ne les assigne à personne, pour de simples raisons de réalisme et d’efficacité dans le monde bénévole : l’intelligence collective fonctionne mieux quand chacun a la liberté d’exercer la sienne au moment qui lui convient le mieux et selon les modalités qu’il a choisies.
Toutefois, Wikipédia demeure un projet qui repose sur l’humain et l’on sait bien que, même dans un groupe d’égaux… certains sont plus égaux que d’autres. « L’égalité sera peut-être un droit, mais aucune puissance humaine ne saura le convertir en fait », lit-on dans Balzac. En droit, donc, chacun est à égalité. En fait, c’est forcément plus complexe — phénomène que l’on retrouve dans tous les actes de la vie en société : dans votre groupe d’amis ou votre famille, chacun a autant le droit à la parole, personne n’est le chef, et pourtant, certains accaparent la parole, sont suivis quand ils suggèrent des activités, obtiennent que vingt personnes viennent les aider à déménager ; d’autres se font couper la parole, n’intéressent personne et se retrouvent seuls pour porter leur réfrigérateur. C’est hélas le lot des relations humaines.
Il faut dire que Wikipédia ne se présente pas comme une encyclopédie, mais comme un « projet d’encyclopédie », c’est-à-dire qu’il est permis de commencer à rédiger un article et de le laisser à l’état d’ébauche. On appelle ce phénomène « Une pomme est un fruit », car l’article sur la pomme a d’abord été créé sous cette forme minimale, le 20 novembre 2002. Ensuite, 2 850 modifications ont permis d’approfondir l’article avec des informations sur le mot, la botanique, l’économie, les usages, la symbolique, la culture de ce fruit…
De nombreuses affaires de harcèlement et de diffamation sur les réseaux sociaux ont placé l’anonymat au centre des débats. C’est une question qui revient sans cesse à propos de Wikipédia, et qui est liée dans l’esprit de nos interlocuteurs à la notion de confiance : « Je fais confiance à tel auteur parce que je sais qui il est », que ce soit pour de bonnes raisons (il est professeur d’université, spécialiste du sujet) ou mauvaises (je le vois à la télévision depuis quinze ans et on l’invite tout le temps).
Sans doute faut-il d’abord déconstruire un peu cette notion : l’anonymat semble un problème fondamental sur Internet, alors qu’il est la norme dans la vraie vie. Personne ne se promène avec son nom autour du cou dans la rue, et personne ne nous demande notre carte d’identité pour nous laisser entrer dans un magasin ou poser une question dans une conférence. Les automobilistes délinquants pourront être retrouvés grâce à l’immatriculation de leur voiture (après enquête pour savoir qui la conduisait), tout comme les internautes délinquants à partir de leur adresse IP – et dans un cas comme dans l’autre, on peut chercher à se cacher. L’anonymat est plutôt le régime habituel de notre vie… et c’est très bien ainsi, le droit au respect de la vie privée contrebalançant largement les craintes que cela peut faire peser pour notre droit à la sécurité.